Malgré l’heure tardive et les quelques flocons de neige qui virevoltaient à travers le village, une étonnante agitation régnait au niveau des portes Ouest. Femmes et enfants s’y pressaient, le visage figé, ne sachant encore ce que les Dieux avaient pu leur réserver.
Puis les portes s’ouvrirent, laissant place à une armée des plus hétérogènes. En effet, les trois grands peuples de ce monde y étaient également représentés ; les courageux Germains, armés de gourdins ou de haches capables de perforer les armures les plus solides, les fiers Romains, dont la réputation militaire n’était plus à faire, et les coriaces Gaulois, dont la morphologie leur permettait de résister aux épreuves physiques les plus extrêmes.
A leur tête, un porte-étendard aux couleurs flamboyantes tenait de ses mains aguerries une pique de plus de quatre mètres de haut. A son extrémité flottait une bannière, sur laquelle étaient bordées de grosses lettres dorées. Ainsi, que l’on se trouve à cinq mètres ou à cent mètres du porte-étendard, on pouvait y lire distinctement et de la même façon : « Kingdom of Element ».
Lorsque l’armée pénétra dans le village pour y trouver repos, ce sont d’ailleurs ces trois mots qui attirèrent toute l’attention de Yarick, alors âgé de dix ans, et dont l’enseignement actuel consistait à l’apprentissage du maniement des armes. La question ne lui avait jamais effleuré l’esprit, mais il se demanda subitement d’où pouvait bien provenir le nom de l’alliance à laquelle il appartenait de naissance. Une once de honte fit alors naturellement suite à son ignorance. Cependant, elle se dissipa rapidement car le seul fait d’être de la grande famille Kingdom of Element – dont ses souvenirs d’enfance lui rappelaient les innombrables victoires – lui remonta le moral.
Cette courte réflexion avait plongé Yarick dans une sorte de torpeur, et il parvint enfin à s’en libérer lorsque des cris de joie – provoqués par les retrouvailles – retentirent. Il put également se réjouir lorsqu’il aperçut à la fois son père et son grand-père, un large sourire leur couvrant tous deux le visage. Après quelques embrassades, la petite troupe composée de la famille de Yarick se dirigea vers la chaumière familiale. Tous mangèrent alors avec grand appétit puis se rassemblèrent autour d’un feu bienfaiteur et réparateur.
Oubliant l’éventuelle fatigue – consécutive au siège d’un village ennemi et à deux jours de marche – de son grand-père, Yarick l’apostropha.
- Grand-père ! Grand-père ! D’où vient le nom Kingdom of Element ?
- C’est une longue histoire mon enfant, mais je veux bien t’en conter l’essentiel.
Il marqua une courte pose, continuant à frotter énergiquement ses mains pleines de suie, qui avaient chargé pendant deux jours et deux nuits des boulets inflammables sur une catapulte romaine. Puis il reprit.
- Il y a fort longtemps de cela, au Nord-Est de notre continent – c’est à dire là où nous nous trouvons actuellement – guerres et pillages étaient les maîtres mots. C’est sans doute à cette époque qu’il se déroula les plus grandes batailles de ce bas monde. Les guerres entre Romains, Gaulois et Germains semblaient éternelles, si bien que les chefs de chacun des peuples, mus par une volonté commune de paix durable, décidèrent de se rencontrer. La réunion n’avait pas dépassé les trente minutes qu’une dispute éclata.
Un belliqueux chef germain avait accusé les Romains de massacrer sans pitié femmes et enfants ; les chefs romains, désireux de riposter, s’écrièrent aussitôt qu’il était bien difficile de distinguer un Germain d’une Germaine, les deux portant la barbe et la moustache ; et, comme pour couronner le tout, les Gaulois s’attelèrent à insulter les Germains et les Romains de « peuples puériles ». Tous les ingrédients étant réunis, la réunion se termina évidemment dans un bain de sang.
Puis la guerre reprit. Dix, vingt, trente ans s’écoulèrent.
Un jour, un mage inconnu de tous, du nom de Méliador, fit son apparition auprès des puissants mages de chacun des trois peuples du Nord-Est. Puis il se mis à leur narrer son histoire : de père mi-germain et mi-romain et de mère gauloise, il fut Le fils déchu et fut abandonné dès sa naissance. Grandissant au milieu de la nature et des éléments, il se mis alors en tête de maîtriser le seul élément resté alors à l’état le plus sauvage : l’air – les mages romains maîtrisant le feu, les gaulois l’eau, et les germains la terre. Sceptiques devant cette déclaration, les différents bardes et mages demandèrent une démonstration et leur surprise fut grande lorsque Méliador parvint à déraciner plusieurs chênes centenaires.
Ainsi réussit-il à convoquer une large majorité des mages. Méliador proposa alors de sceller un pacte de paix et d’entraide pour le futur au travers des éléments de chacun. Impressionnés par l’audace de cet homme qu’ils ne connaissaient que très peu, ils hésitèrent d’abord, puis acceptèrent après réflexion, pensant – à raison – qu’une telle puissance devait forcément être maîtrisée par quelqu’un de sage. Les mages les plus puissants de chaque groupe ethnique s’allièrent alors avec Méliadior afin de concevoir trois pierres magiques – une pour chaque peuple – qui regrouperaient chacune des fragments de chaque élément. Il fut tout d’abord difficile pour les mages ennemis depuis plusieurs générations de travailler ensemble, mais ils parvinrent finalement à travailler avec une parfaite coordination. Les trois pierres réalisées, chacun des peuples repartit avec la sienne.
En échange de ses services, Méliador avait fait promettre à tous les mages de se réunir tous les dix-sept jours afin de discuter des progrès de chaque grâce à la pierre magique. Ces réunions furent respectées, et les mages d’origines différentes se découvrirent alors des affinités, puis se lièrent d’amitié.
Les mages, de retour chez eux, prêchèrent l’importance de mieux connaître les autres peuples. Les magiciens étant fort respectés à l’époque, beaucoup de gens les écoutèrent, les échanges se développèrent, aussi bien au niveau commercial qu’au niveau humain. Ainsi, de nombreux chefs finirent par se rencontrer et décidèrent de fonder une alliance, et, en hommage aux magiciens, la nommèrent : Kingdom of Element.
Certains villages refusèrent de s’y intégrer, et quoi qu’il arrive, ils ne surpasseront pas Kingdom of Element, car bien que nul ne l’ait jamais revu, Méliador veille… et veillera encore longtemps !
By Makezar .
Lun 1 Sep - 20:56